jeudi 14 avril 2011

Le président du FMI à la tête de la gauche française ?




Dans un film de Nanni Moretti, le personnage suit sur son téléviseur un débat électoral entre les deux hommes politiques italiens majeurs du moment. L’un mène une coalition de droite, l’autre prétend rassembler la gauche.
Nanni écoute en silence, l’air sombre, ses yeux minces s’enfoncent encore, bientôt, il va se ronger moustache et barbe. Soudain, il explose : « Dis quelque chose de gauche ! Dis quelque chose de gauche ! ».



Lorsque j’ai dit que ça me ferait mal de voter pour Strauss-Kahn à la présidentielle de 2012, au motif qu’il avait définitivement discrédité la gauche en ayant accepté le poste de directeur du très libéral[1] FMI que lui avait offert Sarkozy[2], René et Fabien sont montés au créneau.
En gros, René arguait qu’il était normal que le FMI prêteur impose des politiques d’austérité pour permettre aux Etats emprunteurs de dégager les moyens de rembourser les dettes contractés, et que ce poste lui donnait une envergure internationale qui ne pouvait pas nuire à sa future fonction.
Fabien s’est joint à lui pour opposer à mon point de vue, celle d’une gauche de la social-démocratie, où la politique s’exerce de l’intérieur du système tel qu’il fonctionne, puisqu’il n’est pas question de faire la révolution.
Nous sommes tombés d’accord au moins sur le point que DSK était probablement le meilleur candidat pour débaucher des suffrages à droite sans lesquels il sera difficile de gagner la présidentielle puisque le porte-monnaie des électeurs français penchait plutôt à droite.

Les cantonales venaient d’avoir lieu avec un taux d’abstention record, l’UMP en déroute et le FN qui s’incrustait.
Les Français, que le médiateur de la République diagnostique déprimée et sur le point de faire un "burn-out", ne font plus confiance ni à la droite, ni à la gauche pour gouverner le pays.

De guerre lasse, essaieront-ils en 2012 l’extrême droite par leur suffrage (ou par leur abstention) ? En effet, dans la situation de grande précarité et de mécontentement dans laquelle se trouve une fraction croissante des français, le programme « colbertiste» protecteur d’une France mal placée dans « la mondialisation » du parti de Marine Le Pen peut séduire. Il rompt avec l’ultralibéralisme économique du père qui s’est construit politiquement avec le poujadisme[2].


[1] Au sens de favorable au libéralisme économique. Tout démocrate est bien évidemment un libéral au sens politique.
[2] Après l’écriture de ces lignes, je découvre que Politis sort un numéro avec pour manchette : l'offensive de la gauche de droite, photo de DSK pour visuel et Libération du 7/4/2011 fait sa une sur « Mondialisation : le FN rallume le débat - L’antimondialisation dont Marine le Pen veut faire un marqueur politique divise à droite comme à gauche. »



Ce repositionnement idéologique s’ajoute à "l'ouverture à gauche" de Sarkozy, qui a débauché sans difficultés de nombreuses personnalités du camp adverse pour gouverner, et qui dans ses discours, a régulièrement pioché dans un corpus idéologique plutôt marqué à gauche, renforçant le brouillage des cartes politiques au détriment d’une gauche en quête d’identité.

En effet, dans le contexte actuel d’hypercapitalisme, après le naufrage du communisme, après l’échec des politiques socialistes volontaristes conduites entre 1981 et 1984, après la phrase de Jospin l’été 1999 « je ne crois pas qu’on puisse administrer désormais l’économie »[1], le clivage droite-gauche peut apparaître comme peu net, notamment sur le plan de la politique économique et sociale.

La question se posait d’ailleurs déjà pour l’élection présidentielle de 2007. La candidate socialiste s’asseyant sur le programme de son parti, manquait toutefois tellement d’idées qu’il nous avait fallu attendre jusqu’au mois de mars pour avoir la synthèse des propositions... des électeurs. Cette vacuité avait donné sa chance à l’UDF Bayrou qui avait fait toute sa campagne sur le thème « le clivage gauche-droite est dépassé, rassemblons toutes les bonnes volontés », non sans succès auprès de quelques uns de nos copains, ...pour le résultat qu’on connaît.

Fukuyama et sa « fin de l’histoire », hypothèse d’un consensus sur une certaine conception de la démocratie libérale, aurait-il vu juste ? Le clivage droite-gauche n’est-il plus pertinent  comme beaucoup le pense?
Ce qu’on appelle candidats de gauche ne seraient-ils plus qu’alternative désabusée aux candidats de droite ?


« Gauche - Droite » pour les nuls





There's no alternative. (On n’a pas le choix)


Récemment, mon neveu Valère qui allait avoir 18 ans, se réjouissait de pouvoir aller voter pour la première fois, tout en reconnaissant qu’il n’entendait rien à la politique. Ce que nous avions immédiatement vérifié lorsque je lui demandai : « Le Parti Communiste, tu le situerais plutôt à droite de l’échiquier politique, ou à gauche ? » A cette question qui pourrait être insultante pour n’importe quelle personne de notre génération, il répondit juste mais uniquement par un raisonnement autour de ma manière de poser la question.
A la réflexion, son ignorance n’a rien d’étonnant si l’on considère qu’il est issu d’un milieu non politisé, qu’il ne lit rien et qu’il n’écoute guère que la station de radio « Rires et chansons » et de la musique techno.
Un petit cours de « politique pour les nuls » s’imposait ». Ce gosse ne pouvait pas continuer à confondre la gauche et la droite. Après avoir jeté quelques repères historiques, nos deux voix s’unirent pour tenter de caractériser la Gauche versus la Droite. Non sans mal...


-       Les gens de droite et gens de gauche n’ont pas la même idée de la condition humaine. A droite, est plus répandue l’idée que chacun était responsable de sa vie, que chacun n’a que ce qu’il mérite ; à gauche que chacun était largement surdéterminé par l’endroit où il nait, le milieu dans lequel il a été élevé, la chance qu’il a eu ou pas. Ces facteurs génèrent des inégalités de condition qui, sauf exceptions, se reproduisent d’une génération à une autre si rien n’est fait (la sociologie est de gauche).

-       De cette conception découle peut-être l’idée que la droite parle plus volontiers du Mal qui est dans chacun d’entre nous et qu’il s’agit de réprimer y compris par la peine de mort, tandis que la gauche « explique » les transgressions, ce qui l’incline à parler davantage de prévention et de réinsertion.



-       Les Lumières que tu as étudiés cette année, rappelle-toi, partageaient cette conception. Ils étaient progressistes : ils croyaient à l’idée d’un progrès possible de la condition humaine pourvu que soient créées un certain nombre de conditions. « Progressiste » a d’ailleurs longtemps été une autre manière de nommer les gens de gauche, par opposition aux « conservateurs », défenseurs d’un ordre immuable, autre manière de nommer les gens de droite.

-       A gauche, on croit que l’action politique peut améliorer la vie des gens, pourvu qu'on garde à l'esprit les erreurs passées, à droite on évoque plus facilement ses effets pervers, son inanité ou la mise en péril. Les gens qui te disent qu’ils ne font pas de politique ou qu’ils ne croient pas à la politique, sont en fait des gens de droite.

-       A droite, on privilégie l’idée de liberté de chacun de faire ce qui lui chante, ce qui rend suspecte toute intervention publique dans la production, la fixation des prix et la répartition des revenus. Ces interventions sont le plus souvent considérées comme nuisibles ou inefficaces. A gauche, au contraire, la « passion pour l’égalité » devenue depuis la fin de l’idée communiste, passion pour l’équité, pour la justice, appelle l’intervention des pouvoirs publics afin de corriger les inégalités et pallier les défaillances d’un système où chacun poursuit son intérêt individuel. En démocratie, les pouvoirs publics sont la seule structure légitime et suffisamment forte pour contrebalancer la ploutocratie que génère le « marché ».

-       Du coup, la défense de services publics de qualité pour tous, éducation, système de santé, culture... est davantage une préoccupation de gauche.



-       Cette opposition d’opinions n’est sans doute pas sans lien avec l’origine sociale des personnes : on a plus de chances de trouver des gens de droite parmi les héritiers, les possédants, les rentiers (incluant bon nombre de retraités), les professions non salariées qui travaillent beaucoup et trouvent toujours trop lourds les prélèvements obligatoires, et des gens de gauche du côté des fonctionnaires (s’ils ne sont pas des ingrats imbéciles), qui vivent de ces mêmes prélèvements. De même, puisqu’il s’agit de valeurs, le fait de se sentir de droite ou de gauche ou de rien du tout se transmet souvent des parents aux enfants. Tout comme Nicole, par exemple, qui est « indécrottablement de gauche » parce que toute sa vie fut celle d’une militante de gauche, politique et syndicale...

-       A droite, une dépense publique n’est qu’un coût à financer, à gauche, on sait depuis Keynes qu’elle est aussi un revenu voire un investissement qui en créera d’autres.

-       Etre de gauche, c’est également se sentir une dette morale vis-à-vis de tous ceux qui ont lutté dans le passé pour conquérir les acquis sociaux dont nous profitons encore aujourd’hui et qui ont permis l’émergence des classes moyennes. Cette dette m’oblige à défendre ce qui est sans relâche rongé depuis le début des années 80. C’est également par obligation morale que je renouvelle ma cotisation syndicale bien que je sois souvent en désaccord  avec les positions de ce syndicat. Un droit s’use si on ne s’en sert pas. [...]

-       J’oubliais ! je serai toujours reconnaissant à la gauche d’avoir eu le courage de supprimer la peine de mort, de dépénaliser l’homosexualité et d’avoir fini par voter le PACS malgré l'opposition virulente de la droite la plus conservatrice.


è En répondant à 12 questions, situez-vous politiquement en passant le Politest


Pensée réflexe de droite, résistance à gauche





Que tu votes à gauche ou que tu votes à droite, c’est tous les mêmes, alors autant voter à droite.
Brèves de comptoir

A cela on aurait pu ajouter l’idée suivante que m’a lâchée plus tard Thibaud, le frère de Fabien, sur une piste de ski : « En fait, naturellement, on est tous de droite. Puisque sur tout sujet, ce qu’on regarde en premier, c’est notre petit intérêt personnel immédiat. »
Mais oui, comme c’est bien sûr. Dans une société qui pousse à la concurrence généralisée et à l’hypertrophie de l’égo (« Parce que je le vaux bien » ou « Soyez radin » nous disent les publicitaires), être de droite est une pensée réflexe.

Etre de gauche exige un effort : ne pas se penser à l’horizon de son nombril, se concevoir en interdépendance avec la société que la mondialisation ne cesse d’agrandir.
Cette conscience rend davantage sensible à « la misère du monde » toujours trop grande pour ne pas tenter de la soulager autrement que par une charité privée discrétionnaire.

Cela pourrait expliquer en partie qu’en situation de crise, lorsque le gâteau se réduit (revenus, emplois), les opinions mécontentes et inquiètes aient tendance à virer à droite et même à l’extrême droite.


Etre de gauche exige aussi un effort contre soi, contre le petit bourgeois égoïste qui sommeille en tous, prompt à rejeter la misère d’ici ou d’ailleurs qui le gêne.
Contre la tentation xénophobe, cet appel à la haine, à la violence et au crime, il lui faut parfois résister.
Moi-même, n’ai-je pas commis en privé ce mauvais axiome :
« Salauds d’étrangers, quand ils sont pauvres, ils font baisser les salaires, les conditions de travail et les  emplois, quand ils sont riches, ils font monter les prix et nous empêchent de nous loger. Ben oui, c’est la loi des marchés, non ?»






La révolution attendra





Oui, le socialisme n’a rien à proposer pour soulager la pulsion de mort, contrairement au capitalisme, qui la transforme perpétuellement en désir d’argent. La vieille société se soulageait dans la prédation et la guerre. Le capitalisme dit : « Enrichissez-vous ! » Que propose le socialisme ? Aimer les autres ? Quel projet ridicule, disait Freud, que de vouloir nous faire aimer ceux que nous haïssons !

Dernier chapitre Requiem pour le socialisme dans


Un parti comme le NPA qui aspire à la Révolution en refusant de gouverner avec d’autres partis, ne sert à rien, sinon au facteur pour montrer sa binette à la télé.
Pour l’heure, la gauche ne peut être révolutionnaire avant tout parce que personne ou presque n’y aspire... Sans doute, parce qu’on est, malgré notre probable déclin, un pays encore relativement très riche, de surcroît vieillissant.

Deuxio, tout ce qu’on sait de l’expérience communiste passée et des bureaucraties ne fait rêver personne. Désormais, la fin ne justifie plus les moyens.

Même avec l’expérience, on n’a toujours pas résolu comment obtenir en même temps l’efficacité économique et « la richesse » pour tous, tout en préservant les libertés individuelles, autrement dit « les droits de l’homme ».


La gauche a toutes les chances de décevoir




Alex Beaupain Au départ


Depuis une trentaine d’années, les politiques de droite consistent pour l’essentiel à réduire « l’emprise » des pouvoirs publics sur l’économie et le social, en privatisant, en déréglementant, en exonérant d’impôts les entreprises et les riches, en taillant dans les dépenses publiques... C’est relativement facile à mettre en œuvre et à faire passer comme message.

Mettre en place une réduction négociée du temps de travail à 35H ou conduire une politique de développement de l’agriculture biologique à l’échelle européenne, c’est beaucoup plus compliqué comme projet, ça demande un temps fou, sans garantie de succès et de gratitude des bénéficiaires.
Il est plus facile de détricoter que de tricoter, c’est bien connu.
De surcroît, en démocratie, pour une mesure politique d’envergure, « il y a loin de la coupe aux lèvres » : confrontation de l’idée à la réalité, pressions diverses, jeux de pouvoir, compromis, et vous avez toutes les chances de produire un résultat très éloigné de l’idée initiale. Bref, plus encore que la droite, la gauche a toutes chances de décevoir.

L’écologie politique, une opportunité pour la gauche




La perspective écologique est résolument politique et de gauche.
Parce qu’elle pense l’interdépendance planétaire d’un point de vue écologique, économique, démographique..., elle requerra une multitude d’initiatives publiques pour initier un nouvel ordre écologique, contre les intérêts des principaux acteurs du capitalisme actuel. En revanche, elle obligera la gauche historique à faire une révolution idéologique : en finir avec le productivisme.







S’engager en politique


Les appareils politiques tout comme les syndicats sont de plus en plus des coquilles vides de militants, appelées à disparaître ou à ne plus être investis que par des opportunistes nullement soucieux de la chose publique. Qu’attend-on pour s’y engager ?


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Programmes - propositions de gauche