dimanche 16 octobre 2011

Chômage, revenus et protection sociale : questions pour un champion (I)






« Ce que l’on voit aujourd’hui, c’est le résultat d’un long processus. Ceux qui travaillaient dans des banques, qui avaient un commerce ou de bons postes dans le bâtiment ne se sont pas retrouvés à la rue tout de suite. Ils ont souvent bénéficié d’une aide familiale, ont vécu quelques mois chez des amis ou des proches. Mais le problème est qu’ils ne peuvent pas retrouver de travail, car il n’y en a pas. L’Amérique est confrontée à quelque chose qu’elle ne connaissait pas vraiment, le chômage de longue durée. Quand vous additionnez les saisies immobilières et le chômage, c’est la catastrophe. Alors, peu à peu, on voit tous ces gens qui viennent frapper à notre porte. »

Le directeur d’une structure d’aide aux plus démunis en Floride

Libération du 15 et 16 octobre 2011 Dénuement durable par Fabrice Rousselot




Le chômage reste en tête des préoccupations de français, tout comme le pouvoir d’achat et la protection sociale (retraites et qualité des soins de santé), tandis que l’anxiété concernant « la sécurité des biens et des personnes » passe au second plan.

Pourtant, après 30 ans de chômage de masse et de politiques d’emploi, aucun candidat à l’élection présidentielle ne se risque à faire de la lutte contre le chômage l’axe principal de sa campagne.



La question est certes épineuse. A offres d’emplois données, le chômage dépend d’abord de la population active, qui augmente notamment avec les entrées sur le marché du travail des jeunes,  et les sorties du marché du travail des vieux. 
On pressent ainsi que le vieillissement d’une population peut réduire les tensions sur le marché du travail : des postes se libèrent en masse pour laisser place à des jeunes. S’appuyant sur ce constat, certains n’avaient pas hésité à nous annoncer la fin prochaine du chômage. De même, on pressent que les dernières réformes des retraites consistant à allonger de la durée d’activité pour faire valoir ses droits à toucher une retraite, a un impact négatif sur le chômage.



Pourquoi ne lie-t-on plus la question du chômage des jeunes à la durée d’activité des vieux ?

Pourquoi également n’explore-t-on pas des incitations à la cessation progressive d’activité assortie d’un tutorat de jeune pour transmettre un métier ?


Alberto Korda par Marcos Lopez

Ensuite reste l’essentiel : la création nette d’emplois permettant d’absorber les demandes nouvelles d’emplois. Création nette, c'est-à-dire la différence entre les créations d’emplois et les destructions d’emplois.
Du côté destructions, pas de problème, on ne connaît guère que la litanie des « plans sociaux », fermetures, délocalisations dans l’industrie, qui en ne cessant de perdre des emplois (13% des emplois en 2008, 600 000 emplois détruits en 10 ans), va finir par rejoindre l’agriculture (3%).
Du côté des services, la fonction publique qui a été au siècle dernier un gros créateur d’emplois, désormais les suppriment en masse. Le commerce et la banque qui un temps affichaient des gisements d’emplois important, tendent aussi à les réduire.
Bref, c’est la création d’emplois qui fait défaut, malgré les « assouplissements » de fonctionnement du marché du travail[1].

Aujourd’hui, le problème s’aggrave du fait du ralentissement de la croissance dont dépend directement celle des créations d’emplois.
Si la lutte contre le chômage est une priorité des candidats à l’élection présidentielle dans l’opposition, ces derniers devront dénoncer avec force les politiques budgétaires restrictives exigées par les marchés, qui vont faire plonger toute l’Europe dans la récession et le chômage.


De bon matin de Jean-Marc Moutout

La fin annoncée de l’emploi industriel est-elle une fatalité ? Quand on considère la richesse générée par ce secteur, le nombre d’emplois tertiaires induits par l’activité industrielle, peut-on se permettre de renoncer au volontarisme politique en la matière ?

Est-ce qu’il est raisonnable de dépenser autant d’argent pour former des ingénieurs qui ne trouveront pas de travail[2] ou qui devront aller travailler en Chine ? Pourquoi en dépenser autant pour former des financiers et des ‘ marketeurs’ ?

Une industrie recentrée uniquement sur la recherche-développement dans les hautes technologies avec délocalisation systématique de la production, cette vieille idée, offre-t-elle un potentiel suffisant de création de richesses et d’emplois ?

Quel combinaison de financements pour solvabiliser l’énorme  potentiel d’emplois dans le secteur des soins et d’aides à la personne ?

Où sont les études économiques de reconversion écologique de notre économie (énergies douces, environnement, agriculture biologique), leur impact en matière de qualifications et d’emplois, leurs prescriptions en matière de formation, de soutiens au démarrage... ?


[1] On enregistre en statistique, de plus en plus d’emplois à temps partiel, voire très partiel (8 heures hebdomadaire pour un étudiant), ce qui explique par la même occasion le phénomène des travailleurs pauvres (working poors).

[2] Ce fut un temps le cas d’un de mes frères qui pourtant s’était spécialisé dans ce qui restait un point fort de notre pays : les industries agro-alimentaires. Il a fini par trouver du travail, mais dans un centre de formation du ministère de l'agriculture.


Stephane Couturier - Renault Seguin 1993

Chômage, revenus et protection sociale : questions pour un champion (II)


Wasteland de Vik Muniz



En 2e position des préoccupations des français, vient ensuite celle du pouvoir d’achat, lequel dépend de leurs revenus et du niveau général des prix.
Du côté revenus, le problème principal est celui des revenus d’activité, du revenu des actifs, en premier lieu des jeunes actifs dont les salaires sont maintenus trop bas par le chômage de masse. 
Autrement dit, le profil de leur poste est toujours plus exigeant pour gagner des clopinettes : le salaire minimum. La généralisation du travail précaire et du travail à temps partiel non choisi les plombent encore davantage. Au point que peut parfois finir par se poser un problème d’incitation à l’activité eu égard les minimas sociaux (dont le RSA).
Du coup, la droite a plutôt tendance à mettre en avant le niveau trop élevé de ces minimas sociaux et à culpabiliser l’ensemble des chômeurs toujours soupçonnés de ne pas rechercher du travail, la gauche, à dénoncer le niveau trop faible des salaires.

Côté prix, même si nous échappons à l’inflation galopante grâce à ce chômage de masse et aux importations bon marché et une monnaie relativement forte, le sentiment dominant est celui de chocs inflationnistes en premier lieu sur l’immobilier.

Le logement est un droit fondamental. Pourquoi dans un pays qui a toujours connu une croissance de son PIB, ce droit n’est-il plus assuré ? Pourquoi rien n’est pensé pour endiguer cette inflation immobilière ?


Trickle down par Stephen Hansen


Pour ceux qui travaillent, d'un côté le salaire-coût (c'est-à-dire incluant les charges sociales) est toujours trop élevé pour inciter à l’embauche, ou par rapport à celui du travailleur bulgare ou chinois, s’ils travaillent dans un secteur exposé à la concurrence internationale; d'un autre côté, le salaire net qu’ils perçoivent est devenu insuffisant pour vivre décemment.


Dans une économie de marché, on ne peut contraindre les employeurs à réduire leurs profits en augmentant leur masse salariale (sans compter ceux qui ne peuvent pas), ne reste alors que l’abaissement des charges sociales salariales et/ou patronales avec obligation (?) pour l’employeur d’augmenter d’autant la feuille de salaire.

A cet égard, la plus ou moins grande exonération de charges sociales est un instrument des « politiques de l’emploi » utilisé depuis longtemps, souvent sans penser leur compensation par une autre ressource budgétaire, ce qui ne manque pas détériorer les comptes de la Sécurité sociale.



Mais alors, nous faut-il choisir entre emplois ou protection sociale ?

Comment financer cette protection sociale sans freiner les embauches, ni rendre les travailleurs pauvres ?

Ne peut-on vraiment pas modifier l’assiette de financement de notre protection sociale et/ou fiscaliser une bonne partie son financement[1] ?

Combien de temps pourra durer le fait qu’en moyenne  les inactifs perçoivent plus qu’une grande partie des actifs[2], alors même que leurs pensions sont financées par ces actifs dans un système de retraite par répartition ? 



[1] Au-delà de la CSG qui fournit déjà des ressources supplémentaires en n’étant pas seulement prélevée sur les salaires mais sur toutes les catégories de revenus, y compris revenus du capital et pensions de retraite.
[2]  Impossible de trouver sur Internet une statistique à l’appui, je me souviens juste d’une rubrique « indicateurs clés » qu’avait Libération qui le montrait, tout comme l’écart entre salaires du privé et du public très en faveur de ces derniers après la déflation salariale subie par le secteur privé.






Dans la conclusion de son chapitre « que faire face au chômage ? »[1], Guillaume Duval fournit une liste de mesures pouvant constituer le début d’un vaste programme de lutte contre le chômage pour les candidats d’opposition à la présidentielle.

Bref, face au chômage de masse, il n’existe donc pas de remède miracle et il faut faire feu de tout bois : chercher à doper la croissance, déployer des emplois aidés, jouer sur l’emploi public, réduire le temps de travail, accélérer la conversion écologique de l’économie... Sans oublier d’aider les chômeurs eux-mêmes. Mais les politiques menées en France actuellement n’activent quasiment aucun de ces leviers. Pas étonnant que les Français n’aient pas le moral.


[1] La France d’après - rebondir après la crise Les petits matins / Alternatives Économiques 2011

samedi 8 octobre 2011

Les « indignés de Wall Street » font des milliers d’émules


Des manifestants sur le pont de Brooklyn avant les arrestations (1er octobre 2011)


La vague d'indignation s'étendrait désormais à 147 villes des Etats-Unis.

Les militants de la coordination Occupy Wall Street, inspirés par le mouvement des "indignados" en Espagne, continuent de faire parler d'eux. Ils protestent contre les inégalités, contre ces "nantis", ce "1% (de la population) qui prend tout" tandis que eux, les "99% restants [n'ont] rien". Car le taux de chômage dépassant 9%, couplé à un secteur de l'immobilier en plein marasme, mine le moral des ménages. Alors chômeurs, travailleurs précaires et autres révoltés s'insurgent. Ceux-là disent être contraints de choisir entre le loyer et la nourriture, lorsqu'ils ne sont pas expulsés. [...]






Libération du 2/10/11


Arrêt sur images du 4/10/11




Capitalisme, une histoire d'amour de Michael Moore  (2009)

lundi 3 octobre 2011

Après la tragédie, la farce : René l’énervé



Pour éviter que son malaise face à la manière de gouverner dans notre pays, ne se termine en ulcère, Jean-Michel Ribes a écrit et mis en scène René l’énervé un opéra-bouffe jubilatoire.
« Réponse du berger à la bergère » : la politique spectacle méritait son spectacle politique. Ribes ne pouvait mieux choisir que l’opéra-bouffe, pour une farce joyeuse de petite résistance en chansons que Reinhardt Wagner a mise en musique.
Un sans faute. Une anomalie peut-être ? Tout le monde en prend pour son grade sauf les journalistes qui sont tout de même au politique ce que le beurre est au kouign-amann.

Photo Elisabeth André/Getty images/AFP

Échantillon au hasard dans le texte publié chez Actes Sud-Papiers ... 

Jessantout
Ce sont tous les notables
Du développement durable

Fleur de blé
Plutôt végétariens
Qu’amants de la bouchère
Quand on touche aux sapins
On a un peu les nerfs

Les écolos
On a un peu les nerfs

René
Je n’en peux plus, ils m’exaspèrent !

Hurtzfuller
Prenez garde, ils sont très populaires.

Jessantout intervient

Jessantout. Vraiment vous tombez pile
Amis de la nature
Et de la chlorophylle
Chers sauveurs du futur.

Hurtzfuller
Voici René qui ne carbure
Qu’au vent à l’air pur
Et sa candidature
N’est, je vous l’assure,
Qu’un hymne à la verdure.

Jessantout. Ni lecture
Ni peinture
Ni sculpture
Aucune moisissure
Venue de la culture
Ne pollue sa cervelle
Qui reste naturelle.

René. J’avance avec mes tripes
Et mes désirs pêle-mêle
Je suis le prototype
De l’homme naturel.



Palace

 


Musée haut, musée bas



Après la tragédie, la farce ! ou Comment l’histoire se répète 
de Slavoj Zizek (Flammarion)