vendredi 12 août 2011

Socialistes : de l’audace !

Par Etienne Balibar et Yves Duroux, philosophes



Spencer Tunick à Amsterdam

[...] Que serait une initiative «audacieuse» ? Voici notre suggestion. Dans les semaines, sinon dans les jours prochains, Martine Aubry et ses homologues socialistes ou sociaux démocrates, en particuliers les Allemands, se réunissent. Ils proposent une conférence paneuropéenne, ouverte à d’autres forces de gauche ainsi qu’à des juristes, économistes, chefs d’entreprise, militants, artistes et intellectuels qui voudraient les rejoindre. Lieu ? Bruxelles, Strasbourg ou, pourquoi pas, Athènes. Objet ? Engager immédiatement (sans attendre l’arrivée au pouvoir de tel ou tel, et moins encore la «majorité de gauche» au Conseil européen) l’élaboration des grandes lignes d’une relance commune aux nations européennes et d’une complémentarité de leurs industries, incluant les bases de négociation avec les fournisseurs d’énergie et de main-d’œuvre dans la périphérie de l’Europe. Définir la proportion équitable des budgets nationaux et communautaires, énoncer les principes d’une réforme de la fiscalité et de la dépense publique : assiette, priorités d’imposition et d’utilisation, sanctions éventuelles pour les dépassements, arbitrages en cas de conflits d’intérêts… Imaginer, entre le protectionnisme des Chinois et la planche à billets des Américains, les principes d’un nouveau système monétaire et les règles d’un contrôle mondial des pratiques spéculatives et des mouvements financiers. Soumettre au plus vite ces propositions, à la réflexion et à l’approbation des citoyens européens, en train de décrocher, et sans l’appui desquels aucun «gouvernement» ne tiendra.

Vous nous direz, madame : mais nous n’avons pas le temps ! Notre «primaire» passe d’abord ! Si vous ne l’avez pas, prenez-le. Votre primaire n’a d’autre intérêt que de résoudre une concurrence interne à votre parti. Au mieux elles peuvent servir à mobiliser les électeurs et à creuser l’écart avec les machines de Sarkozy et de Le Pen. Réglez la question dans les jours qui viennent en rencontrant votre principal «adversaire» et en choisissant d’un commun accord (au besoin, par tirage au sort) celui d’entre vous qui formera, avec l’autre, un «ticket» présidentiel et gouvernemental. Mettez de côté les petites manœuvres d’évitement, les conseils des communicants. Sortez des inflexions à la marge entre vos discours, un peu plus «populistes» ici, un peu plus «responsables» là. Entrez enfin en politique. Socialistes, plus d’audace ! Ou c’est votre enlisement qui continue - et le nôtre avec vous.




La semaine mytho de Nicolas Bedos : Martine Aubry



jeudi 11 août 2011

« En finir avec un système financier parasitaire »





Est-on entré dans un cycle dévastateur, fait de plans de rigueur, de récessions, puis de nouveaux plans de rigueur ?

La bonne réaction des politiques serait de dire que le G20, la Commission européenne prennent des mesures contre les agences de notation qui ont le droit de vie ou de mort sur les Etats ; contre les marchés financiers pour réduire leur importance. La bonne réaction serait de voir la BCE dire qu’elle financera toutes les dettes publiques de la zone euro et qu’on émette des euro-obligations. La bonne réaction serait de se mettre d’accord sur une nouvelle gouvernance européenne acceptable par les peuples, axée sur la croissance et le plein-emploi plutôt que sur la réduction des dettes et des déficits à tout prix. Or, au lieu d’une coordination par le haut, on la fait par le bas : les Européens croient rassurer les marchés en annonçant des plans d’austérité. Lesquels pèsent sur la croissance et, au fond, ne les rassurent pas. Quand la Grèce perd 4,5% de croissance, ça ne rassure pas. On est entré dans un cercle vicieux, une dynamique perverse entre Etats et marchés qu’il faut absolument briser.

Les responsables politiques français réagissent-ils bien dans la séquence actuelle ?

Je suis atterré par l’attitude du gouvernement français, qui se dit prêt à faire davantage d’effort, à faire de la réduction des déficits la priorité absolue alors que si tous les Européens s’y mettent, la croissance chutera et il sera impossible de tenir cette règle d’airain. Le plus tragique, c’est que certains au PS sont sur la même ligne et pensent que l’avenir de la France passe par un retour à 3% de déficit en 2013. Chaque fois que les marchés élèveront la voix, les Etats réduiront leurs dépenses publiques et sociales. C’est une démission de la démocratie. Elle est déjà à l’œuvre puisque la BCE conditionne son aide à l’Italie à une feuille de route de politique antisociale…


Andreas Gursky Chicago Board of Trade II (1999)

Au G20 de Londres, en 2008, les Etats avaient la main sur la finance…
Le lobby bancaire et financier a convaincu la classe dirigeante de torpiller toute tentative de régulation. Nicolas Sarkozy et le G20 avaient la bonne position : réduire la puissance des marchés financiers. Soutenir l’activité au profit de l’emploi. Le G20 n’a pas vu que la croissance ne pouvait pas repartir comme avant. Les ressorts de la croissance avaient, surtout aux Etats-Unis, été alimentés par les bulles financière, immobilière, et l’endettement des ménages. Après la crise des subprimes, il aurait fallu réinventer une autre croissance, basée sur la réindustrialisation, la hausse des salaires et le tournant écologique. Mais les vieux dogmes de l’efficience des marchés financiers, du «moins d’impôts» comme des excès des dépenses publiques ou sociales, ont réapparu… [...]

Que faire ?
Il faut avancer des alternatives à l’austérité programmée et arrêter la course à la rentabilité, la compétitivité, les pactes de stabilité, la gouvernance actionnariale des entreprises. Il faut en finir avec un système financier parasitaire. Laisser des banques faire faillite si elles ont trop spéculé, séparer leurs activités de dépôt et d’affaire. Et avoir, enfin, un secteur public de la finance démondialisé. Sinon, on conservera un système inefficace, injuste et non productif.

Entrevue d'Henri Sterdyniak, directeur du département Economie de la mondialisation à l’OFCE et l’un des co-animateurs du Manifeste des économistes atterrés dans Libération du 11/8/2011






Émeutes de 2005 dans les banlieues françaises

mercredi 3 août 2011

L’écologie en bas de chez moi



Iegor Gran n’aurait peut-être pas écrit ce « récit » si le documentaire « Home » ne lui avait pas fait penser au « triomphe de la volonté » de Leni Riefensthal....

La nouvelle religion de Vincent, copiant le succès du dominicain Tetzel[1], a inventé la « compensation carbone », mécanisme par lequel on verse son obole à chaque fois que l’on émet du CO2, à charge pour l’ONG ainsi gratifiée de planter un arbre ou de réaliser un autre sacrement veillant à la « neutralité carbone ». Pour ce remake des indulgences, la demande des entreprises est, paraît-il, insatiable.
L’offre s’adapte en conséquence : la quantité d’officines proposant des services carbone a explosé, sur internet, on en trouve autant que des sex-shops[2], certains sont adaptés aux particuliers. Je ne sais pas si Vincent compense pour racheter son âme. Il devrait. Ça le rendrait plus serein, joyeux, bon vivant.

Les bigots chrétiens, qu’ils soient cathos, protos, orthos, ont en commun avec les oulémas une consternante absence d’humour dès que l’on touche au religieux. Le rire désacralise, c’est bien connu. Le rire protège des lieux communs et des hammams du cerveau. Essayez donc d’hypnotiser un rieur !


[1] (...) C’est un trait caractéristique de ce livre que d’avoir plus de notes de bas de page que de corps de texte. Les notes de bas de page en forme d’hyperliens ?
[2] (...) 


C’est pourquoi le zèle de Vincent est devenu inquiétant quand il a cessé de rire. Car on ne rit pas du prurit. Nulle trace d’humour chez les prophètes. Il n’y a pas de quoi rire, madame ! On vous annonce l’Apocalypse et la disparition de l’île de Ré - et vous riez ?... N’avez-vous donc aucune stature morale ?... Lâche vous êtes, lâches vous mourrez...

Votre rire est un crime car il empêche la mobilisation des consciences. Il dilue l’attention. Il peut contaminer les autres. Vous devez être un individualiste indécrottable pour rire ainsi aux dépens de la collectivité. Si tout le monde riait comme vous ! Avez-vous pensé aux enfants ? Vous devez ne pas en avoir...



Quelle religion est capable d’accepter la caricature ? Pas plus l’écologie que l’islam. Mon ironie se brise sur les airs pince-sans-rire de Vincent. Il pense que je vais trop loin. Ses bras croisés... le feu aux joues... les regards inquiets de Claire... il y a de la colère, contenue mais réelle, une petite haine désagréable. Mon rire me protège de son Dieu, me rend l’insouciance, la liberté d’être con, l’homme qui rit oublie le déluge, il est comme ivre.

L’écologie en bas de chez moi - Iegor Gran - POL