lundi 4 juillet 2011

L’Europe, désespérément (2/2)


L'Europe du préservatif - Les Inconnus

En 2006, entre deux vagues d’élargissement à l’est, le texte initial de la directive Services proposé par le commissaire européen Frits Bolkestein et notamment son « Principe du pays d'origine » déclencha un tollé dans les pays dotés d’un droit social conséquent en prévoyant la légalisation du dumping social et de la concurrence déloyale.  Le droit applicable aux travailleurs sur des chantiers hors de leur pays d’origine devait être celui de leur pays d’origine. Il aurait donné un avantage décisif aux travailleurs des nouveaux entrants pour effectuer des chantiers dans les autres pays.


L’inscription dans le marbre d’un traité constitutionnel de tous les principes qui nous avaient conduits dans la mauvaise passe dans laquelle nous nous trouvions, constituait à eux seuls une raison suffisante pour dire « non » à la question posée par référendum pour le ratifier, même si les arguments en faveur du « oui » ne manquaient pas.



Pour autant, peut-on encore penser notre avenir sans l’Europe ? Sauf à être tenté par le mode de vie nord-coréen, compte tenu de notre insertion dans l’économie mondiale, je ne vois absolument pas comment. Après avoir tant critiqué l’Euro, l'idée de son abandon m’apparaît désormais funeste.


Dans son livre « La France d'après, rebondir après la crise », Guillaume Duval consacre pas moins de 4 chapitres sur 11 à l’Europe.
Selon lui, le rééquilibrage de l’économie mondiale en faveur des « pays émergents » n’implique pas forcément que les européens soient condamnés à vivre moins bien qu’auparavant. « Si l’Europe a tant de mal à sortir de la crise et si ses perspectives semblent si sombres pour l’avenir, c’est d’abord et avant tout dû à ses problèmes internes. »
L’Europe n’a pas tenu ses promesses de croissance et de création d’emplois mirobolantes parce qu’elle a organisé une concurrence généralisée par les coûts qui a d’autant plus déprimé l’activité en réduisant ses débouchés, qu’il n’a pas été mis en place de politique industrielle et commerciale active vis-à-vis du reste du monde. En effet, ni les firmes multinationales, ni les Etats qui auraient dû céder ces prérogatives en la matière à l’Union, n’en voulaient. 
Pour Guillaume Duval, on ne peut renoncer à avoir une industrie compétitive ne serait-ce que pour payer l’augmentation de nos importations corollaire de cette désindustrialisation. « L’industrie du tourisme » ne suffira jamais à payer l’addition, loin de là.



S’il pense qu’il faut renoncer à une « Europe sociale », il appelle à de nouvelles règles du jeu qui mettent un terme à une Europe antisociale, c’est-à-dire une Europe qui mine les politiques sociales conduites au niveau national.
En particulier, une harmonisation fiscale est urgente. La concurrence des fiscalités nationales  sur les bénéfices des entreprises, de l’épargne et du capital, profitable aux petits pays mais dramatiques pour les plus grands, en faisant fondre les recettes publiques, menace le « modèle social européen » et constitue un facteur essentiel de crise des dettes publiques européennes.

« En revanche, l’action massive indispensable face aux crises écologiques qui nous menacent peut - et doit- être européenne. » [...]
« Un grand plan d’investissement dans la conversion écologique de l’économie aurait l’avantage d’aider l’Europe à se relever de la crise en finançant des travaux réellement utiles pour préparer l’avenir, tout en permettant de faire, enfin, des choses ensemble à grande échelle. » [...]
« La question environnementale pourrait - et devrait - donc être un des axes majeurs de l’approfondissement de l’intégration européenne au cours des prochaines décennies. »
« A l’échelle européenne comme mondiale, l’écologie peut être un puissant vecteur d’intégration, de régulation et de redistribution qui nous permettent de sortir de l’anomie marchande et libérale. »  [...]

On vient d’apprendre que dans l’UE, on sera bientôt 28 avec l’entrée de la Croatie prévue l’été 2013. Vingt huit ? Joli score ! « Who’s next ? »[1]
Pour pouvoir aller dans le bon sens, échappera-t-on à la nécessité d’une Europe à géométrie variable ?

Heko 1958


Conclusion de «La France d'après, rebondir après la crise» par Guillaume Duval

[...] Après un quart de siècle consacré surtout à dresser les Européens les uns contre les autres en aiguisant la concurrence de tous contre tous au sein du marché unique, les politiques punitives appliquées aux pays en crise de la zone euro, combinées aux politiques inutilement restrictives dans le reste de la zone, risquent de causer l’échec de la monnaie unique.
Un échec qui entraînerait nécessairement celui de l’Union dans son ensemble. En France, la volonté affichée par le gouvernement de « profiter » de la crise pour mettre en œuvre une baisse massive des dépenses publiques tout en refusant de taxer davantage les plus aisés mine la cohésion sociale et menace la fourniture des biens publics indispensables à l’activité économique.
De telles politiques n’apportent aucun espoir aux peuples en souffrance et favorisent, en France comme ailleurs en Europe, les démagogues qui privilégient le repli national et la dénonciation de boucs émissaires fantasmés.
Parallèlement, l’accident nucléaire de Fukushima a rappelé, s’il en était besoin, que nous n’avions plus d’échappatoire : face à l’ampleur de la crise écologique, il va falloir chambouler l’ensemble de nos modes de production et de consommation dans un espace de temps très court. Comme nous le soulignons dans ce livre, l’Europe n’est pas forcément mal placée pour mettre en œuvre rapidement une telle mutation : celle-ci pourrait même devenir le principal moteur d’une relance de l’intégration européenne. Si l’Europe tardait trop cependant à s’engager résolument dans cette voie, elle serait frappée de plein fouet par la raréfaction des énergies fossiles et le renchérissement des autres matières premières, faute d’en disposer sur son sol.
Bref, tout n’est pas perdu mais le temps est compté, et les politiques qui nous permettraient à continuer à vivre correctement en France et en Europe impliquent un virage à 180 degrés par rapport à celles suivies jusqu’ici. [...]



[1] « A qui le tour ? »



Les Deschiens "En euros"


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