dimanche 29 avril 2012

Faut-il se réjouir du récent engagement en faveur de la croissance de Mario Draghi et d’Angela Merkel ?




Barbara Kruger Think Twice ask questions
(Réfléchis y à deux fois, pose des questions)






Quand les inflexibles Draghi et Merkel redécouvrent le mot croissance


Face à la situation économique et sociale alarmante des pays qui se sont vus imposer les purges d’« austérité » et de leurs effets désormais sensibles sur leurs partenaires, l’inflexible apôtre de l’austérité Angela Merkel s’est vue à son tour contrainte d’annoncer « un agenda croissance dans l’UE ».
Après avoir renouvelé son soutien au candidat Sarkozy, tout en ménageant son rival qui pourrait l’emporter, elle s’est empressée de  répéter que le pacte budgétaire que François Hollande veut réformer "n'est pas renégociable", pour la simple raison qu’il venait d’être signé par 25 chefs de gouvernement, et parce qu’ensuite la Grèce et le Portugal venaient de le ratifier, ce qui est beaucoup plus contestable puisque ces deux États sont quasiment sous tutelle.
Sur les axes de cet « agenda croissance », afin de ne fâcher personne et de ne pas se dédire, elle a évoqué le renforcement des capacités de la Banque européenne d'investissement (BEI) et à une utilisation plus flexible des fonds européens.

La  flexibilisation accrue du marché du travail, pour améliorer la compétitivité des États et non une relance par les dépenses publiques


Pour la chancelière allemande comme pour le président de la BCE, Mario Draghi, ex. de la banque Lehman Brothers au temps où cette banque maquillait les comptes de l’Etat grec en vue de son acceptabilité dans la zone euro, depuis mise en faillite lors de la crise financière des subprimes, les leviers de croissance doivent être recherchés dans des « réformes structurelles qui libèrent les énergies » à savoir "faciliter l'entrepreneuriat, l'établissement de nouvelles entreprises et la création d'emplois", même si elles « heurtent de larges intérêts" et "font mal".

Quèsaco ? De quoi parle donc l’homme qui en février annonçait la fin du modèle social européen ? Un porte-parole de la BCE a précisé à l'AFP qu'il s'agissait de réformes telles que la flexibilisation accrue du marché du travail, pour améliorer la compétitivité des États et non une relance par les dépenses publiques - à laquelle il s'oppose fermement.



 Sardon Bon point : Le majeur

 

« Des charges salariales » et des « barrières sur le marché du travail » abaissées


« Souplesse » et « flexibilité », supprimer les « rigidités ». Qui peut être contre ? Toujours ce recours si redoutablement efficace à l’euphémisme et la litote, au détournement de sens du discours des dominants (la LQR d’Eric Hazan).
Angela Merkel précisera : "Les charges salariales ne doivent pas être trop élevées, les barrières sur le marché du travail doivent être basses, afin que chacun puisse trouver un emploi".
Sur le premier terme, on a déjà évoqué ici le mode de financement de notre protection sociale qui nuit encore trop à la création d’emplois et la réforme des prélèvements obligatoires qui devraient être prioritaire. Mais qu’est-il donc visé dans la deuxième partie de la phrase  « Les barrières sur le marché du travail doivent être basses ».


Vers la suppression du salaire minimum ?


Le salaire minimum ? En Grèce, on planche sur sa suppression conformément aux injonctions des Européens et du FMI, au moment même où les salaires dans le privé ont chuté de 23 % au cours de l’année écoulée. Chez eux, comme en France, son niveau ne permet plus de vivre décemment, l’abaisser, en l’état des filets de sécurité sociale, accroitrait le risque de désincitation à l’activité.

Le contrat à durée déterminée voire le contrat commercial comme normes ?


Le travail précaire ? Il concerne en France près d’un travailleur sur 4 (moitié à statut précaire - intérim et CDD -, l’autre moitié exercé en indépendant) et on signe des contrats de quelques heures avec des jeunes pour le week-end.

Davantage de flexibilité du temps de travail ?


La flexibilité du temps de travail ? Chez nous, elle est devenue la norme dans  la plupart des secteurs en contre partie de l’instauration des 35 heures ?
Alors quoi de plus pour nous faire retourner au XIXe siècle ?
Il semble que la nouvelle frontière soit l’abrogation du droit du licenciement.






En finir avec les charges qui pèsent sur les entreprises qui licencient


C’est une vieille revendication du patronat représentée par Mme Parisot dont les parents étaient l’une des 200 familles les plus riches du pays.
L’argumentation est la suivante : les obligations des entreprises en cas de licenciement économique, notamment leur coût, seraient un frein à l’embauche (ou à la réembauche) et à la création d’emplois.


Licenciement pour motif personnel, démission et rupture conventionnelle pour y échapper


Comme toujours avec les « libéraux », l’idée fait appel au « bon sens » individuel. Si on se met un instant dans la peau d’un recruteur, on n’a pas de mal à concevoir que ces obligations puissent freiner l’embauche, d’abord en augmentant la pression lors de l’embauche : la crainte d’une erreur de recrutement qui pourrait entraîner des coûts de divorce. 
Sauf que le législateur a prévu pour parer à cela la période d’essai qui d’ailleurs a été rallongée. 

« Mais le salarié peut se mettre à dysfonctionner ou à me porter sur les nerfs, alors là, à moi les emmerdes pour le virer», peut ensuite craindre le recruteur.
Qu'à cela ne tienne, s’il dysfonctionne (si ce n’est pas le cas, il paraît relativement facile de le faire "dysfonctionner"), un licenciement pour motif personnel n’occasionne aucun coût de licenciement, au plus des honoraires d’avocats.
D’ailleurs, les entreprises ne s’en privent pas (76 % des licenciements en 2004, contre 24 % pour motif économique, alors que ces derniers représentaient en 1994, 58 % des licenciements), comme il n’y a pas de raison que les salariés soient plus inaptes que leurs prédécesseurs, on peut affirmer que les entreprises recourent au licenciement pour motif personnel afin d’échapper à leurs obligations pour des licenciements de fait collectifs.

Enfin, depuis juin 2008, Mme Parisot a obtenu du législateur la séparation à l’amiable, la « rupture conventionnelle » que réclamait le MEDEF. Employeurs et salariés semblent s’être emparés de l’instrument puisqu’en octobre 2010, 430 000 contrats avaient été rompus de la sorte pour 500 000 démissions, 500 000 licenciements économiques et 1.4 millions de licenciés pour motif personnel....


"C'est vrai quoi, désormais, quand l'amour est mort, les couples se séparent sans en faire tout un plat. Pourquoi donc continuer à dramatiser les licenciements? Quand un employeur et son salarié ne sont plus heureux ensemble, pourquoi ne pas se quitter sans larmes?"



 G. Mathieu pour Alternatives Économiques

 

Le faible niveau de chômage danois ne serait pas dû à la flexi-sécurité


Le modèle mis en avant par les « libéraux », notamment par l’UE, est la « flexi-sécurité »danoise. Problème : il semble être déstabilisé par la crise, et avoir bien fonctionné tant que les créations d’emplois étaient régulières, autrement dit, le modèle n’est peut-être pas en soi un moyen de créer massivement des emplois, dont les déterminants sont ailleurs.

Une étude d’un centre de recherche allemand publiée en 2007 et portant sur 9 pays européens durant la période de 1994 à 2001 (c’est ancien, j’en conviens) conclut que, tous pays confondus, les réformes de marché du travail n'ont pas contribué à créer des emplois. La dynamique du marché du travail s'expliquerait moins par les réformes du droit du travail que par la conjoncture économique globale. En revanche, elles peuvent changer la part des CDD : lorsqu'on rend plus facile la rupture d'un CDI, le recours au CDD devient moins fréquent.


La déréglementation du marché du travail espagnol aggrave le mal


Alors, est-il vraiment absolument nécessaire d’aller plus loin dans la suppression de garde-fous à la généralisation de la précarité et de la défiance ? Est-ce vraiment de ce genre de levier dont a besoin l’Europe pour sortir du bourbier dans lequel elle s’est mise ?

Les nouvelles en provenance d’Espagne dont les conservateurs appliquent tout l’arsenal de l’austérité prescrite par la Troïka (UE, BCE, FMI) et les marchés financiers, sont très mauvaises.
La réforme du marché du travail (baisse du coût de licenciement, facilités pour les entreprises à faire des charrettes…) a déjà entraîné une perte d’emploi pour 150 000 personnes. Selon les prévisions de la prestigieuse Funcas ((Fondation des caisses d’épargne), un demi-million de personnes devraient connaître le même sort d’ici à 2013.
Pour Fernando Mínguez, du cabinet d’avocats Cuatrecasas, l’handicap espagnol, « c’est l’absence totale de tout crédit. Les banques sont concentrées sur leur propre survie et ne prêtent pas un centime aux entreprises et aux familles solvables, certes peu nombreuses en raison du chômage record. Pas de crédit, pas d’oxygène, la panique monte. »

La preuve par la chute, si cela était nécessaire, que la zone Euro n’a absolument pas réglé son problème de gouvernance monétaire et économique.







Post-scriptum


Je viens d’avoir un coup de fil de mon neveu Valère. Dans un café-restaurant en Corse, il bosse 7 jours sur 7, 16 heures par jour et partage avec les quatre autres personnes un taudis.
Plus de 100 heures par semaine, terminant le travail à minuit-une heure du matin une semaine sur deux, sans autre perspective de repos que peut-être deux ou trois jours en mai. Il va de soi que dès qu’il trouvera autre chose, il partira.
Dans ce café-restaurant, on ne peut pas dire que l’employeur soit gêné par l’existence du droit du travail le plus basique, alors les indemnités de licenciements, n’en parlons pas !
« Ces 500 000 emplois qui ne trouvent pas preneurs » est un très vieux marronnier de presse (c’était déjà ce chiffre quand j’étais étudiant, c'est-à-dire, il y a au moins trente ans) à l’appui du discours « le boulot, y en a, faut le chercher ».
Ce genre de boulot doit en faire partie.





Le policier de Nadav Lapid


jeudi 26 avril 2012

Double peine en perspective : austérité et servage



Saturne dévorant ses enfants par Rubens (détail)





Les critiques contre l’austérité se multiplient


Enfin ! Sans pour autant la renier, les docteurs Diafoirus de l’austérité commencent à reconnaître à demi-mot l’évidence de l’ineptie de leur thérapie de sortie de crise, en réclamant désormais unanimement un « pacte de croissance ».
Même si la plupart met sur ce souhait de très discutables mesures d’ « assouplissement du marché du travail », avec pour horizon visé la suppression de la législation encore existante sur les licenciements et corollairement celle du CDI censées demeurer un obstacle à la création massive d’emplois (un article à venir), c’est déjà énorme.

Manifestation massive dans les rues de Prague


Au même moment, Prague connaissait sa plus forte manifestation contre l’austérité et ses mesures antisociales. Mêmes causes, mêmes effets.

 Prague Avril 2012

10 milliards de coupes dans la santé et l'éducation en Espagne


En Espagne, le gouvernement conservateur vient d’adopter un plan d'économies de 10 milliards d'euros par an dans les domaines de la santé et de l’éducation. Concrètement, pour ce qui est de l’éducation, la coupe budgétaire de 3 milliards contraindra les régions, qui ont déjà du mal à faire face à leurs dépenses en la matière (ces derniers mois nombre d'entre elles ont eu du mal à régler leurs fournisseurs, provoquant des coupures de chauffage ou d'électricité dans des collèges et lycées), à augmenter les frais d'inscription à l'université de 50%, qui passeraient de 1.000 à 1.500 euros en moyenne, et à augmenter de 20% le nombre d'étudiants par classe.

Marée étudiante dans les rues de Montréal


Au Québec, depuis un mois, des manifestations étudiantes dénoncent elles aussi l’explosion des frais de scolarité à l’Université : Les hausses des droits de scolarité seront de « 325 $ par année pendant cinq années consécutives, commençant l’automne prochain. Ces droits passeront ainsi de 2168 $ en 2011-2012 à 3793 $ en 2016-2017 ».


Je vends mon corps pour m'acheter une tête - Québec 2012 

Retour dans la rue pour les jeunes chiliens


Au Chili, les jeunes sont retournés dans la rue dans le cadre d’un mouvement entamé en mai 2011 pour obtenir une participation de l’État au financement des études afin de contrer les effets d'un système éducatif très inégalitaire, ainsi qu'une garantie constitutionnelle sur un noyau dur d'enseignement public gratuit et de qualité.
Fin 2011, le mouvement avait obtenu une hausse de 10% du budget de l'éducation pour 2012, de timides aides à l'endettement étudiant et un début de réforme sur la gestion des collèges et lycées publics.

Une caisse enregistreuse éditant un ticket pour collecter la TVA en Espagne


Pour ce qui est de l’Espagne, en lieu et place de coupes budgétaires dans l’Education, on suggère un peu de dépenses publiques pour faire rentrer des recettes fiscales de TVA : la création de postes de fonctionnaires incorruptibles pour contrôler les commerçants et une campagne de communication invitant les consommateurs à exiger l’édition d’un ticket de caisse par une caisse enregistreuse électronique. En effet, à Séville, dans les trois supérettes de proximité où nous nous sommes approvisionnés, quelle ne fut pas notre surprise de nous voir systématiquement présenter l’addition sur une grosse calculette. Pas de trace, pas de TVA.



 Un sistema en crisis...., un planeta en lucha... Ideas para cambiar el mundo 
dans les rues de Séville (avril 2012)

Ma procuration n’est pas arrivée dans mon bureau de vote


Quoi d’autre ? La France a voté. 
Las ! Pas moi, Guéant m’a baisé (le ministre de l’Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration est responsable de la bonne organisation des élections).
Même si j’avais fait longtemps à l’avance les démarches pour la procuration, que mon mandataire avait bien reçu sa notification, lorsqu’il s’est présenté à mon bureau de vote, on lui a dit, qu’ils n’avaient rien reçu me concernant. 

Depuis, un assesseur d’un bureau de vote du XVIIIe arrondissement nous a dit que les assesseurs l’avaient joué très « fonctionnaires » puisqu’il était possible d’appeler la permanence de la mairie d'arrondissement qui aurait pu leur confirmer ma procuration.

Fort heureusement, l’impératif de "vote utile" à gauche a convaincu suffisamment pour nous éviter de nous retrouver avec deux candidats de droite au second tour et un nouveau quinquennat pour l’UMP à la clé.

Populisme et extrême droite, enfants indésirables du trop de « marché »


Reste la Pen qui a obtenu 18 % des suffrages. « Un sur cinq, ai-je dit à cette annonce à ma voisine dans l’avion. Une personne dans cette rangée, a-t-elle ajouté, ça fait drôle. »
Quoi qu’en aient dit les commentateurs, pour notre part hélas aucune surprise.
En 1944, Karl Polanyi, professeur d’économie politique à Columbia, publiait son essai « la grande transformation » dans lequel il faisait l’hypothèse que l’hégémonie du libéralisme économique, avec son utopie du marché autorégulateur dans toutes les sphères de la société, avait conduit le monde à la crise des années trente, aux totalitarismes et à la 2e guerre mondiale. 
L’histoire ne se répète jamais... Enfin, espérons-le.



Saturne dévorant ses enfants par Francesco Goya




22 mars 2012 Manifestation Étudiante à Montréal 




Des millionnaires qui veulent être plus taxés 

 


samedi 14 avril 2012

Chacun pour soi et Dieu pour tous... Pour le pire.

Présidentielle J-26 : la campagne vue par Denis Robert

 

 

Le baron Von Starnberg n’appréciait pas les communistes. Au vu du cadre qui nous entourait, cela relevait pour le moins de l’évidence. Si j’avais vécu là, moi non plus, je n’aurais pas apprécié les communistes. Ce n’était pas que je les aimais, mais possédant moi-même fort peu de biens, j’avais avec eux plus de points communs que le baron, qui en possédait tant.

Philippe Kerr - La mort entre autres - 2006

L’autre jour, je me suis énervé en apprenant sur le journal d’Arte que l’Allemagne avait signé un accord avec la Suisse lui permettant de récupérer quelques milliards en contrepartie du maintien de l’anonymat des riches allemands ayant placé dans les banques suisses une partie de leur fortune pour échapper à l’impôt dans leur pays. 
Aujourd’hui dans le Monde, je lis que cet accord faisait suite à un autre avec la Grande-Bretagne, et que l’Autriche vient d’en signer un encore moins intéressant pour ses finances publiques, en attendant que la Grèce en fasse de même.

Ces pays répondent à l’offre « Rubik » de la confédération helvétique obtenue par l’omnipotent lobby bancaire suisse, initiative de contre-offensive pour freiner une législation européenne plus contraignante contre la fraude et l’évasion fiscales par l’échange automatique d’information, qui risquerait selon les banques de conduire à une délocalisation vers d’autres paradis fiscaux au secret bancaire encore hermétique (Singapour, sultanat de Brunei, îles Caïmans...).

Pour un bénéfice aussi maigre que moralement contestable, chacun s’en va en ordre dispersé, dans son coin, avec plus ou moins d’atouts dans ses manches, signer sa petite convention, au détriment de tous.
Je sais que « un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras », mais je ne cesse de déplorer l’efficacité du « diviser pour mieux régner » de Machiavel, plutôt que l’adoption de « l’union fait la force ».


 
 We want sex equality : confronté en mai 1968 à une grève des ouvrières réclamant l’égalité de salaire avec les hommes, du fait d'un soutien politique ferme, Ford fit en vain le chantage habituel à la délocalisation en cas d'alignement.

 
Pourquoi Diable, n’a-t-on pas une négociation conduite au niveau européen sur ce sujet ?
Le fait que les gouvernements européens ont toujours repoussé une harmonisation de la fiscalité de l’épargne et du capital et que, de manière plus générale la fiscalité a été maintenue comme un domaine réservé des États en application du très pratique principe de subsidiarité, ne sauraient aujourd’hui suffire à le justifier.
A fortiori, après avoir signé le traité de stabilité budgétaire qui, sans changement d’orientation fiscale, risque de plonger toute la zone dans la récession.

Au lieu de cela, Libération ce week-end nous fiche le bourdon en comparant les politiques d’austérité prévues par l’UMP, le PS et Lou Ravi (seul le Parti de gauche promet une politique de relance).
On ne parvient même pas à se rassurer d’y entrevoir le maintien d’un certain clivage historique gauche-droite : côté UMP, on continuerait à tailler dans les dépenses publiques et à abaisser les impôts des entreprises, côté PS, on ponctionnerait davantage les ménages aisés et les entreprises.

Des deux côtés, il est question d’un peu plus d’une centaine de milliards à trouver d’ici cinq ans, au moment même où j’apprends par Arrêt sur Images qu’un journaliste de la Croix révèle le mécanisme organisé par la banque suisse UBS qui ferait échapper à l’impôt en France 600 milliards d’euros.
Selon Antoine Peillon, c’est un manque à gagner pour l’Etat français d’un sixième de son budget, soit celui de l’Education. 
Alors ? La France aussi va aller négocier avec la Suisse son petit chèque ridicule pour solde de tous comptes immoraux ?

Allez ensuite vous étonner qu’il y ait entre 30 et 40 % des électeurs qui ne sachent pas s’ils vont voter et pour qui !

On dit peu combien l’acceptation institutionnelle de l’évasion fiscale des riches mine moralement nos sociétés. Cette injustice criante, aux relents d'Ancien Régime, pousse chacun à son niveau à ne plus vouloir jouer le jeu du vivre ensemble, à ne plus revendiquer que ses droits et à passer dans le même temps toute son énergie et son ingéniosité à échapper à ses obligations, notamment fiscales et sociales dans une société devenue de défiance généralisée (et pas seulement pour les raisons habituellement évoquées).


   

« Toi, tu vas finir par voter Méluche ! »
Ce n’est pas l’envie qui m’en manque, mais non, toujours pas. Pas plus le Parti de gauche qu’EELV, car je ne veux pas porter la responsabilité d’avoir fait perdre le candidat de centre-gauche qui pouvait l’emporter sur Sarkozy, et d’avoir ainsi permis la poursuite de la ligne politique de l’UMP pendant encore cinq années.

Oui la campagne des candidats n’est absolument pas à la hauteur des enjeux, dont d’ailleurs une bonne partie échappe au vote français. Comme l’écrit Caroline Fourest dans sa chronique hebdomadaire dans le Monde, cette déception est « parfois invoquée pour ne pas voter. Cette posture est à la fois injuste et naïve. On la trouve, paradoxalement, chez ceux qui idéalisent le vote et la démocratie. Comme s'il s'agissait d'élire le père ou la mère de la Nation idéale, voire un quasi-Dieu.
Mieux vaut se désinscrire tout de suite des listes électorales. Car le "Dieu" politique n'existe pas. Nous ne votons pas pour le candidat parfait, mais pour le moins imparfait. (...) »

Pour nous, le moins imparfait demeure Hollande, même cornaqué par un des éléments le plus droitier du PS, Manuel Valls.
Sa désignation comme directeur de communication de Flamby n’est sans doute pas un hasard : présentable, qui pourrait se trouver dans l’autre camp, pour une France qui ne paraît pas pour cette élection avoir majoritairement le cœur à gauche. 







Week-end d'Andrew Haigh


Selon un sondage de l’Ifop, les électeurs de gauche ont une vie sexuelle plus intensive et plus débridée que les électeurs de droite.
On sait enfin ce que DSK a de gauche.

Charlie Hebdo  n° 1033



Festival Hautes Tensions 2011 : Race Horse Company "Petit mal"

 

 

lundi 2 avril 2012

Au nom de dettes publiques ignominieuses, l’horreur économique


Madrid 29/03/2012






On résume pour ceux qui n’ont pas suivi : presque partout en Europe, particulièrement dans la zone euro, sous l’injonction des marchés financiers, sont mises en œuvre des politiques « d’austérité » ayant pour dénominateur commun de tailler dans les dépenses publiques et la protection sociale, d’augmenter les prélèvements obligatoires pour les « classes moyennes », le tout, le plus souvent accompagnées de mesures de « réforme du marché du travail » visant à réduire les salaires et le droit du travail. 
Les objectifs sont pour les premières de donner des gages aux créanciers des États de la volonté des dirigeants de réduire les déficits et l’endettement public qui ont explosés depuis la crise financière de 2008, pour les secondes, de favoriser la création d’emplois en instaurant une bonne « compétitivité » et « flexibilité », ou « pauvreté » et « précarité » (ça dépend d’où on parle).

Ceux qui prescrivent et mettent en œuvre ces mesures disent en espérer des effets positifs au moins à moyen terme, en attendant, il s’agit pour eux de faire le dos rond pendant les désordres sociaux provoqués par leurs décisions (les manifestations jeudi dernier en Espagne étaient par exemple particulièrement impressionnantes). 



Grève générale en Espagne - mars 2012

 

Le chaos à la clé des politiques d’austérité : bêtise ou prévarication ?


Sans surprise, les instituts de conjoncture annoncent la récession et l’explosion du chômage pour un nombre croissant de pays. C’était tellement évident, qu’il est permis de se demander si on a affaire à de la bêtise ou à de la prévarication, dans le cadre d’un plan bien huilé de mise à mort de ce qui reste de « socialiste » en Europe (autrement dit d’économie non marchande publique), pour le confier aux intérêts privés (la bancassurance rêve par exemple depuis toujours de récupérer tout le pactole de la prévoyance).
J’ai du mal avec la théorie du complot, alors, va plutôt pour l’hypothèse de la bêtise, comme incapacité à penser l’interdépendance et la complexité, l’ignorance ou oubli de quelques vérités en macroéconomie.

L’appel au sens commun pour faire passer le sophisme


Le bien fondé des politiques d’austérité conduites ne butte pas l’entendement d’une grande partie des opinions publiques. « Ben, oui, quoi, où est le problème ? Faut bien arrêter de dépenser pour rembourser cette dette. » C’est tout le génie de la contre-révolution néolibérale conservatrice que de s’appuyer sur le sens commun des populations (terme plus adéquat que « bon sens » dans le cas présent, comme d’ailleurs beaucoup d’autres).
C’est beaucoup plus simple de faire passer que « L’Etat, c’est comme une famille, on ne peut jamais dépenser plus ce qu’on gagne, sinon on devient surendetté et on entre dans une spirale infernale. », que de questionner l’économie de marchés financiers qui a été mise en place depuis le milieu des années 80 et les contraintes qu’elles font peser sur l’action publique et son financement, ou la pertinence des politiques fiscales en Europe.


Philippe Ramette Objet à voir le monde en détail (1990-2004) 
au Mac/Val de Vitry

 
Dans un petit livre au titre provocateur « Vive la dette»,  Marc Bousseyrol s’efforce de déconstruire les évidences les plus communes sur les dettes publiques. Par exemple, il réfute l’argumentation de l'héritage de la dette que nos enfants devront payer :

« Non, la dette publique n'est pas un fardeau générationnel : chaque bébé ne naît pas avec une dette de 18.700 euros sur la tête, comme l'affirme le rapport Pébereau [rapport sur la dette publique de 2005, rédigé par Michel Pébereau, le président de BNP Paribas, ndlr], mais au contraire avec un héritage net de 11.000 euros, si l'on tient compte du patrimoine public. La dette sert à financer des infrastructures, des écoles, des hôpitaux etc., dont bénéficieront les générations futures. »

L’Etat en voie de décomposition vs l'enrichissement des rentiers


L’argument vaut tant que le démantèlement de l’Etat-providence n’est pas trop avancé. Pour Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE, la Grèce et le Portugal subissent une décomposition de l’Etat : « On y brade des actifs publics, on démantèle la protection sociale. C’est un peu ce que l’on a fait au bloc soviétique dans les années 1990, avec les succès qu’on connaît. »

Selon lui, la clé d’une thérapie autre que celle de l’austérité, ce sont des taux d’intérêts publics bas pour tous les pays de la zone euro, bas jusqu’à devenir négatifs en termes réels, c'est-à-dire inférieur à l’inflation. A la place de cela, ces deux pays empruntent encore à 5 %, ce qui les conduit inévitablement dans le mur.
Ces emprunts sont en partie souscrits par les banques privées qui font au passage une belle marge en se faisant refinancer par la BCE à 1%. Cherchez l’erreur systémique !


Gilles Barbier - Révolution à l'envers (2002) au Mac/Val de Vitry

 

Une initiative citoyenne européenne pour la suppression des dettes ignominieuses


« Que faire ? » se demandait Lénine en 1902. L’UE nous propose une disposition de « démocratie participative » : L'initiative citoyenne européenne, inscrite dans le traité de Lisbonne  et applicable à partir d’aujourd’hui.
Elle permet « à un million de citoyens de l'UE de participer directement à l'élaboration des politiques européennes, en invitant la Commission européenne à présenter une proposition législative ».
Je suis un brin sceptique mais je vais signer celle qui a été lancée à la suite de la catastrophe grecque et qui concerne les dettes publiques :

Nous vous invitons (adressé au président de la commission européenne), selon l’article 8 du Traité de Lisbonne, à introduire et finalement faire voter dans l’Union Européenne les propositions suivantes :

- Supprimer pour chaque partie unilatéralement la partie de la dette publique qui rentre dans la catégorie de la “dette ignominieuse”. La plus grande partie de la dette est composée de la capitalisation des intérêts, qui s'amplifie depuis plusieurs dizaines d'années. Le capital des emprunts a déjà été remboursé. En d’autres termes, annuler les INTERETS COMPOSES.

- Établir le Principe de “l’état de nécessité”. Quand l’existence économique et politique d’un État est en danger à cause du service de cette dette odieuse (chômage galopant, effondrement des salaires et des retraites, fermeture d’hôpitaux et d’écoles, des services sociaux, misère personnelle etc.), le refus de paiement est nécessaire et justifiable.

UN MILLION DE SIGNATURES POUR “L’EUROPE DE LA SOLIDARITE”

Collectif pour un audit citoyen de la dette

L'horreur économique de Viviane Forrester (1996) 

Et si l'on recréait la dette publique perpétuelle ?   Libération 1/12 

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Sur ce blog 

Dettes publiques, euro et politique : dernières nouvelles du bourbier

Contre le discours dominant sur la dette publique

Le salut par l'Europe ?




programmé au festival du cinéma du réel


dimanche 1 avril 2012

"No future" à Budapest





La réalisatrice Lucile Chaufour a voulu savoir ce qu’étaient devenus les punks de Budapest qu’elle avait filmés en super huit en 1984. Par un montage de ces images avec celles des retrouvailles, elle en a fait un remarquable documentaire « East Punk Memories », présenté au festival international de films documentaires qui vient de se dérouler à Paris.

Aujourd’hui jeunes quadragénaires, ils appartiennent à une génération qui a vu se réaliser en 1989 son rêve le plus fort : la fin du régime communiste haï et l’accès à la liberté en démocratie capitaliste, à « l’âge des possibles ».

Il ressort de leur propos un étonnant mélange de détestation de l’époque communiste et de nostalgie.
Si le temps qui a passé les incline, comme nous tous, à considérer avec indulgence leur jeunesse et à n’en conserver que les bons souvenirs (le cas de mon service militaire est pour ce qui me concerne emblématique), aucun ne regrette le système totalitaire qui les avait poussés à devenir des punks harcelés par la police.
Pourtant, quel que soit leur place dans le nouveau régime capitaliste, la désillusion et l’inquiétude semblent les sentiments les plus partagés : précarité de leur existence, pauvreté d’un très grand nombre, insécurité et violence, éducation et soins devenus payants. Le communisme avait ses maux, mais pas ceux-là.


Berlin - Karl Marx-Engels Forum - mars 2008

Et la politique ? Sur ce plan, le « no future » semble continuer à prévaloir.
L’un d’eux va jusqu’à dire que les politiciens sont aujourd’hui aussi mauvais que du temps du communisme.
Être élevé dans un système où « le politique » était hypertrophié, y est sans doute aussi pour quelque chose.  
« Dans ce système, être punk, c’était naturellement être de droite » dit l’un des garçons.
Le communisme était internationaliste, l’opposition serait nationaliste, d’autant plus facilement que le sentiment national est exacerbé depuis le traité du petit Trianon qui fit perdre à la Hongrie deux tiers de son territoire, avec un magyarophone sur trois se retrouvant en dehors des nouvelles frontières.
A cet égard, notre copain László, hongrois originaire de Transylvanie en Roumanie, raconte que lorsqu’il fit la demande de la nationalité française et qu’on lui proposa de changer de nom, il pensa : « ce n’est pas de nom que je veux changer, mais est-ce que le lieu de naissance c'est possible ?»


 "On ne veut pas qu'une part du gâteau, on veut toute la boulangerie" Berlin avril 2010


Mais ce n’est pas seulement pour cette raison, que Viktor Orban a accédé au pouvoir en 2010 avec son projet souverainiste et conservateur. Il profite du démantèlement des acquis du socialisme engagé par la gauche libérale sous la pression de l’UE[1] et des banques, qui lui a permis de donner à son parti une image « sociale ».
C’est d’ailleurs ce que dit avec étonnement l’un des ex-punks. Par un étonnant chambardement dont la Hongrie n’a pas l’exclusivité, à gauche (pro-européenne), on ne trouve plus guère que « les riches ».
Bref, ici peut-être plus encore que chez nous, la confusion idéologique paraît totale.

«Prolétaires de tous les pays d’Europe, unissez-vous !» aurait pu écrire un Marx en petite forme
Euh..., c’est pas gagné.


[1] En 2004, leur pays a rejoint l’Union Européenne dans l’avant-dernier élargissement, portant à 25 pays son effectif.



Ai Weiwei Study in perspective au Jeu de Paume